Frederico Tozzi, « Les Bêtes »

POÉSIE

Des histoires naïves et tragiques, un article de MARIE ÉTIENNE

On entre doucement, presque avec distraction, dans les soixante-neuf courtes proses de Federigo Tozzi (1883-1920). On comprend vite qu’elles ne sont pas liées par un fil narratif mais plutôt par le lieu, la campagne siennoise, et la présence, dans chacune d’elles, d’un animal.

FEDERIGO TOZZI LES BÊTES

trad. de l’italien par Philippe Di Meo José Corti, coll. « Biophilia », 112 p., 16 €

Celui qui ouvre et qui ferme le livre, comme le note Philippe Di Meo, le traducteur-poète, dans sa postface, est l’alouette, à laquelle s’adresse Tozzi dans le tout premier texte (« qui tremble, tes ailes ou mon cœur ? ») et dans le tout dernier (« Alouette, prends mon âme ! »).

On peut imaginer, lisant les premières pages, qu’on va avoir affaire à un texte élégiaque sur la nature et sur les bêtes : le narrateur laisse la vie à un ver qu’il déniche dans une vieille planche, à un escargot sous un robinet, il suit des yeux avec tendresse un sale petit cabot bâtard ou un rouge-gorge qui joue avec ses ailes. L’inquiétude s’insinue peu à peu, bien qu’on ne se méfie pas tout à fait encore, quand on lit le portrait de l’épouse charcutière, « pâle, avec un cou si gonflé qu’il me faisait penser à celui d’une cane au jabot bien rempli » ; ou le portrait d’un cordonnier qui « au bout de sa jambe de bois… fait sauter sa pie déplumée, crasseuse et immanquablement ruisselante, parce qu’elle se faufile dans la bassine où il met son cuir à tremper ». Lire la suite